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« Les pépinières françaises doivent reconquérir les collectivités »

Le marché des collectivités entre dans une phase difficile. Nombreux sont les pépiniéristes qui réfléchissent à la manière de mieux valoriser leurs produits sur ce marché.

La période qui s'ouvre est cruciale pour les pépinières françaises. Elles doivent renouer avec le marché des collectivités, faute de quoi la filière sera en danger, estime le pépiniériste Michel Le Borgne.

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Dans le domaine du paysage et des collectivités, les prochains mois s'annoncent incertains... même si, pour tous les spécialistes, la qualité du cadre de vie, principalement végétal, est désormais jugée déterminante pour le bien-être, voire la paix sociale en ville. La période qui s'ouvre permettra de tester réellement le niveau de solidarité des élus, des donneurs d'ordres publics et des concepteurs-maîtres d'oeuvre vis-à-vis de leurs territoires. Si, par malheur, le marché du paysage se contracte et si cette solidarité ne se manifeste pas comme ailleurs en Europe, la production française de végétaux, qui répond déjà à peine à 30 % de la demande publique, se marginalisera et disparaîtra, à la grande joie de nos voisins pépiniéristes européens, qui se verront « soutenus et sauvés » par l'argent public français...

Deux mesures de bon sens

Alors que faire face à ce constat ? Deux mesures de bon sens s'imposent, au moins tant que la crise sévira :

– Obtenir des collectivités territoriales qu'elles n'acceptent comme mandataires des marchés attribués que des pépiniéristes producteurs du territoire (moins de 50 % de négoce dans le chiffre d'affaires consolidé, en cas de double activité, de production et commerciale). Ce sont eux qui doivent assurer la fourniture des commandes publiques, car afin d'avoir encore les moyens d'investir pour l'avenir, ils doivent impérativement augmenter leur part dans le marché des collectivités territoriales. Il ne s'agit pas de mettre en place des mesures de protectionnisme, mais de faire preuve de solidarité territoriale. Ce qui est possible partout ailleurs en Europe doit l'être aussi en France ! L'adaptation puis l'interprétation « à la française » des codes des marchés publics et la jurisprudence associée au nom de l'égalité d'accès aux marchés est actuellement suicidaire, surtout en période de difficultés économiques et sociales. Depuis de nombreuses années, la solidarité s'est organisée en Allemagne (loi de 1976 rectifiée en 2010), aux Pays-Bas... et elle a permis aux pépinières de ces pays d'investir pour satisfaire les marchés locaux. Là où les architectes ne trouvaient pas de quoi composer leurs paysages, ils peuvent désormais compter sur des palettes végétales adaptées à leurs projets et aux biotopes locaux. C'est à nos élus de donner les consignes en ce sens, il y va de l'intérêt général.

– Décider que les marchés publics de fourniture et plantation ne peuvent pas être attribués systématiquement aux moins-disants (et bien sûr aux plus-disants). Revenir donc sur cette pratique qui veut que les collectivités territoriales organisent les appels d'offres (maîtrise d'oeuvre, fourniture et plantation) comme des concours de moins-disants, ce qui n'est vraiment pas dans l'esprit du code des marchés.

Cette mesure n'aurait pratiquement que des effets positifs :

– Les offres aberrantes seraient écartées d'office.

– On verrait disparaître les offres anormalement basses, car les bureaux d'études les établiraient aussi sur des critères de qualité et plus seulement de prix (synonyme d'impasse sur certaines lignes, de non-qualité et de renégociations dramatiques pour les marges des fournisseurs, contraints de casser leur prix). Le nombre d'offres par appel étant généralement en deçà de quinze, tout calcul d'écart type est éminemment contestable (puisqu'il faut une population statistique normale de trente pour qu'il ait un début de validité...).

– Les entreprises d'espaces verts dont la stratégie à un moment donné est de « casser les prix » ne seraient pas seules à obtenir les marchés, le travail serait partagé plus équitablement et les chantiers réalisés dans les règles de l'art, sans saigner au passage les fournisseurs (pépiniéristes...). Organiser une compétition entre des offres étudiées pour être « mieux-disantes » n'est pas seulement une mesure d'équité, mais aussi de sauvegarde des entreprises et des emplois de nature à éviter tout gaspillage d'argent public...

Des palettes végétales adaptées

Il serait contre-productif de demander que les collectivités territoriales exigent des architectes, de leurs agents ou des entreprises qui travaillent pour elles que toutes les plantes viennent de France : ce serait impossible – nous n'avons ni les volumes ni la largeur de gamme –, voire frustrant pour les concepteurs et les services espaces verts. En revanche, réclamer que les achats soient effectués chez un pépiniériste producteur ferait venir les maîtres d'oeuvre dans les pépinières (où ils puiseraient au passage de l'inspiration !).

Le paysage français mérite de reposer sur des palettes végétales culturellement et écologiquement adaptées. En période de crise, il faut faire évoluer les mentalités et les habitudes. L'argent public peut et doit contribuer au bien public...

Michel Le Borgne, pépinières Drappier, Lecelles (59)

ProductionAujourd'hui, la pépinière française ne fournit que 30 % du marché des arbres à destination des collectivités.

CommercialisationLes collectivités pourraient acheter plus largement français, à condition toutefois de modifier leurs pratiques.

SolutionPour le pépiniériste Michel Le Borgne, la filière française du paysage doit impérativement réagir pour ne pas disparaître.

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